Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LES ILLUSIONS PERDUES

Je pense à ceux qui doivent trouver en eux quelque chose après le désenchantement - Balzac

Balzac (lettres)

Lucien Chardon ou Lucien de Rubempré ? Le nom est un signe parmi d'autres signes et Lucien change son nom pour prendre celui de sa mère.

Benjamin Voisin dans le rôle de Lucien (Les illusions perdues - Xavier Giannoli)

Benjamin Voisin dans le rôle de Lucien (Les illusions perdues - Xavier Giannoli)

Nous sommes aujourd'hui lundi 25 octobre 2021. Il fait très beau et chaud.

Voilà bien longtemps que je ne suis pas venue vous parler de l'écriture et que je ne vous ai pas proposé d'atelier ? plus d'un mois ....

J'ai quitté le monde virtuel pour le "Réel Merveilleux" et j'ai adopté le papier, le crayon et les couleurs. Le dessin, ses formes et ses scintillements, la danse et son ancrage dans le sol, ses appuis et ses tracés éphémères dans le ciel  m'ont fourni des terrains de recherches et de découvertes, de tâtonnements et de jaillissements.

Aujourd'hui, je vous propose quatre  ateliers d'écriture autour des illusions et notamment des "illusions perdues" . Envoyez-moi vos créations selon vos choix.

 

Les "Illusions perdues", c'est bien sûr le roman de Balzac et maintenant le film de Xavier Giannoli actuellement en salle. Un film formidable, tumultueux, où la cruauté d'un nouveau monde (avec ses nouveaux codes), entièrement tourné vers la rentabilité,  emporte les êtres humains dans une anomie (*) loin de leurs valeurs  et de leur foi sur lesquelles ils ont fondé tous leurs espoirs pour s'élever dans l'échelle sociale à la conquête du Graal, désir éternel d'un ailleurs où ils pourraient s'épanouir, grandir et être reconnus. Petit à petit, ils se  dépouillent de ce qui les gêne, fagotés dans les habits neufs d'un nouvel ordre social où pointent les  valeurs destructices  d'un capitalisme naissant. 

 

 

Ainsi Lucien, jeune poète provincial "monte" à Paris où il va se brûler les ailes et perdra à ce jeu de l'amour et du profit. La ville fabuleuse montrera ses dessous moins fabuleux, sorte de ville des pas perdus, un miroir aux alouettes, une scène où chacun joue dans le registre des faux-semblants et des trahisons.

 

 

Il me semble qu'un autre thème tisse "ces illusions perdues", c'est l'urgence, le temps compté, la vitesse. Ce sont ces qualités qui prédominent et qui excluent la pensée, les sentiments qui ont besoin d'un temps plus long, sans souci de profit.  Tout se vend, tout s'achète, la poésie comme la presse, la politique comme les sentiments, la trahison comme la fidélité. Les hommes et les âmes s'y abîment. Mais Lucien survivra à ses "illusions perdues" et reviendra en partie à ce qu'il est vraiment. Il sera peut-être sauvé puisqu'il a aimé et très certainement aimera.

 

(*) anomie : du grec "anomia", disparition de la loi. Etat de désorganisation, de restructuration  d'un groupe, d'une société dû à la disparition totale ou partielle des normes et des valeurs communes à ses membres.

 

Merci aux écrivains  qui nous amènent à voir, à réveiller notre lucidité et à nous montrer les comédies humaines, qui sont toujours d' actualité et d'un modernisme brûlant au-delà des époques et des civilisations différentes. Ainsi, l'anomie n'est-elle pas un trait de caractère de notre époque  et de notre société très précisément ? Pourtant les grecs la connaissait déjà, puisqu'ils avaient le mot "anomia", qui présupposait qu'ils vivaient des bouleversements à l'intérieur de leur société ? 

Je vous laisse la liberté d'y réfléchir par vous-même.

 

 

PROPOSITION DE QUATRE  ATELIERS D'ECRITURE SUR : LES ILLUSIONS PERDUES

 

1)  En vous appuyant sur l'exemple donné (le film ou le livre) ou le résumé, vous êtes persuadé (e-ées) que vous connaîtrez une vie meilleure que celle de vos parents ou de vos semblables. Vous avez des espoirs ...  de votre siècle ...

- Peut-être le Paris de l'époque de Balzac, objet de désir en soi,  s'est-il déplacé  de nos jours vers une autre destination ? Maintenant on ne monte plus à Paris (on quitte Paris avec son ordinateur sous le bras et on s'enfuit à la campagne), mais l'homme rêve toujours qu'il pourra transformer son destin en un autre lieu, sorte d'aimant et d'attirances pour  la majorité des personnes d'une société donnée.

- Sous la forme que vous souhaitez, parlez (dessinez, faites une vidéo, écrivez) de vos espoirs d'enfants, d'adolescents, d'adultes tant que vous avez des espoirs et des désirs.

- Si vous avez vécu des désillusions ... par rapport aux espoirs que vous aviez nourris en cachette, pourquoi ne pas prendre la plume et nous en parler.

 

 

2) Alternative : Ecrivez un dialogue inspiré de phrases de Balzac.

Piquez, méditez,  des passages du livre de Balzac (mots ou phrases) et réactualisez-le (les) en gardant ce ton cynique et railleur de celui qui ne croit en plus rien d'autre que le profit. Quand on court après le profit et le profit seul (ou la claque/les applaudissements pour vendre et rien d'autre- de nos jours "les likes" en font partie, on ne cherche plus à développer une pensée, une vérité, une élégance, la beauté) 

Exemple : Continuez cette leçon de cynisme ...  entre un journaliste installé sur la place de Paris et  Lucien (jeune homme qui veut se faire un nom ...) 

"Tu pensais donc ce que tu as écrit ?" ... "Mon petit, en littérature, chaque idée a son envers et son endroit"

... " Vous tenez donc à ce que vous écrivez  ? lui dit Vernou d'un ton railleur. Mais nous sommes des marchands de phrases, et nous vivons de notre commerce."

" Quand vous voudrez faire une grande et belle oeuvre, un livre enfin, vous pourrez y jeter vos pensées, votre âme, vous y attacher, le défendre ;"

"Mais des articles lus aujourd'hui, oubliés demain, ça ne vaut à mes yeux que ce qu'on les paye".

"Si vous mettez de pareilles importances à de telles stupidités, vous ferez donc le signe de la Croix et vous invoquerez l'Esprit Saint pour écrire un prospectus".

 

3 - Autre alternative :Ecrire une critique ou parlez de votre sentiment :

Vous pouvez envoyer votre commentaire et votre propre  sentiment à propos du  film de Xavier Giannoli "les Illusions perdues".

 

4 - Autre possibilité : Décrire ou s'inspirer de l'affiche du film. 

_________________________________________________________________

 

 

Télérama

AbonnéCritique par Hélène Marzolf
De la fresque balzacienne, le cinéaste garde avant tout le côté sombre. Et propose une captivante plongée aux origines de nos sociétés capitalistes modernes.

Ce bon vieux Balzac a décidément la cote. Après Marc Dugain ( Eugénie Grandet, en salles), c’est au tour de Xavier Giannoli de s’en emparer pour raconter l’ascension et la chute du célèbre Lucien de Rubempré, petit poète d’Angou­lême venu chercher la gloire à Paris, et bientôt confronté au désenchantement. Dépoussiérer ce classique de la littérature du xixe siècle, l’une des œuvres phares de La Comédie humaine , a-t-il un sens aujourd’hui ? Trois fois oui. Car ces Illusions perdues évitent la rigidité du « film en costumes », à coups de choix radicaux. À la trappe, les personnages exemplaires comme l’ami de Lucien, David Séchard, ou les membres du Cénacle, cercle d’artistes vertueux et ascétiques du microcosme parisien. Éliminés, les passages édifiants, ou positifs, de cet apprentissage de la vie à la dure… Le réalisateur supprime des pans entiers de l’histoire (les livres 1 et 3), et opte pour le côté sombre de l’œuvre.

Après une brève introduction provinciale — la partie la moins convaincante —, Xavier Giannoli met en scène, avec une évidente jubilation, la corruption exercée par la capitale sur l’idéalisme naïf de Lucien. Propulsé dans le quartier des « grisettes », ces femmes qui vendent leur corps, le jeune homme découvre le monde crapoteux d’une presse prompte, elle, à vendre son âme, et devient, à son tour, « marchand de phrases et trafiquant de mots », jusqu’à y perdre, non seulement son intégrité, mais aussi son avenir.

D’un classicisme élégant, la réalisation tranche avec la démesure, l’outrance délibérées du propos. Une voix off nous guide dans les méandres d’un petit théâtre cruel et cynique, où les réputations et les critiques s’achètent, où le plus grand éditeur parisien est un ex-épicier analphabète qui ne publie « que des gens déjà célèbres », où, au spectacle, la claque, plus sûrement qu’une arme, peut littéralement tuer… Dans son dernier rôle, Jean-François Stévenin (disparu en juillet dernier) incarne, à lui seul, l’essence de cette dépravation mafieuse : marionnettiste de l’ombre, son personnage, Singali, traîne de théâtre en théâtre sa cohorte de figurants impitoyables, ces siffleurs professionnels qui se vendent au plus offrant et qui, à coups d’applaudissements ou de huées, font et défont les destins…

La saga ne manque ni de souffle romanesque ni d’ambition historique : tout autant que le parcours de Lucien (le formidable Benjamin Voisin, révélé par Été 85, de François Ozon), Xavier Giannoli évoque, dans un ample mouvement, les fondements du capitalisme moderne sous la Restauration, époque où la culture devient un bien marchand, où la politique s’allie au monde des affaires, où la presse, désormais guidée par le profit et les pressions de l’actionnariat, commence à fabriquer l’opinion. France Dimanche ou CNews n’ont décidément rien inventé : le cinéaste tend — de manière un peu didactique mais passionnante — un miroir à notre époque, en remontant aux origines des fake news, de la société de communication, du buzz et de la polémique, bref, d’un système impitoyable, alimenté par… des moulins à vent. « Ce qu’on écrit n’a aucune importance, résume le journaliste Étienne Lousteau (Vincent Lacoste, tout en désinvolture matoise). C’est oublié le jour même, et tout ça finit par emballer le poisson. »

Ce roman d’initiation acerbe, aux multiples niveaux de lecture, pourrait transpirer l’aigreur. Au contraire, Xavier Giannoli, à la façon d’un caricaturiste inspiré, lui insuffle une vitalité réjouissante, à travers des tableaux vifs et entraînants. Conçu pour le grand public mais exigeant, le film doit beaucoup à son impressionnante troupe d’acteurs, de Cécile de France, sensible et ambiguë en madame de Bargeton, à Xavier Dolan — écrivain à succès faussement fat, qui gagne en épaisseur peu à peu — ou Jeanne Balibar, mondaine persifleuse et manipulatrice, digne d’une marquise de Merteuil. Quant à la jeune Salomé Dewaels, interprète de l’amante de Lucien, l’actrice Coralie, seul cœur pur dans cette arène de pantins détestables, elle crève l’écran.

| France (2h29) | Scénario : X. Giannoli et Jacques Fieschi, d’après Honoré de Balzac. Avec Benjamin Voisin, Salomé Dewaels, Cécile de France, Xavier Dolan, Vincent Lacoste, Jeanne Balibar, Jean-François Stévenin.

-------------------------------------------------------------------------------------

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :