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OFFRIR DES LIVRES ENCORE DES LIVRES MAIS LESQUELS ?

16h Vagues submersives (un dimanche d'hiver, jetée du port de Nice janvier 2020)

16h Vagues submersives (un dimanche d'hiver, jetée du port de Nice janvier 2020)



Je ne parlerai pas,je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin , comme un bohémien,
Par la Nature, heureux comme avec une femme"

Sensations (Arthur Rimbaud)

J'ai poussé la porte de la librairie indépendante, "les Journées suspendues", à Nice, une petite librairie sur l'avenue Borriglione, petite mais qui regorge de livres aimés et rassemblés pour notre plus grand plaisir.

J'y ai découvert un livre "Opossums" de Marc Desombre (1994), beau en tant qu'objet (rare, en tirage limité sur bouffant Lucerne). En imprimerie, le papier bouffant est un papier sans apprêt, de forte épaisseur. Cela lui donne un bonne mine de pain cuit et quand on l'ouvre, il sent bon.

L'éditeur est Cheyne au Chambon-Sur-lignon, 43400. "Opposums" est le premier livre de Marc Desombre et il a été publié dans la collection Grands Fonds.

Ce livre a suscité de suite mon attention. sur la quatrième de couverture, j'ai pu lire :

"Le miroir qu'on promène sur les chemins de la vie parfois se brise. Commence alors un lent travail, obstiné et mélancolique, pour récupérer les morceaux épars de soi et du monde. C'est à cet effort de reconstitution que s'applique Marc Desombre, tissant aux mailles du silence et de la parole un texte peu à peu retrouvé où se lisent fragments de mémoire, instants d'émotion, visions précaires, "trois fois rien" en effet. Mais il arrive que la vie de nouveau respire et tremble dans ces petites choses. Opossums est comme le journal de bord de cette patiente reconquête".

Si vous avez commencé à lire mon blogue, vous comprendrez de suite pourquoi j'ai emporté ce livre comme un trésor. De plus le titre "Opossums" au pluriel m'a rappelé ce petit marsupial carnivore  qui courait  sur un parking à Colombus, Ohio,  par un après-midi bleu d'été. Déjà, vous connaissez un mot dans la langue algonquienne d'une peuplade indienne d'Amérique, le mot "Opossums", ce mot est une invitation au voyage en soi-même.

En voici un extrait :
 

Le 22 septembre

8h

Un grand chêne, face à la cour de l'école, soufflait une chanson qu'il me semblait connaître; Mon père entrait dans la chambre; il tenait un plateau sur lequel apparaissait, parmi tartines et pots de confiture, l'image fragmentée du vieux continent.

Des gens passaient dans la rue.

La poussière habillait un rai de soleil.

Je me souviens avoir cherché longtemps sur une carte, l'île d'Ithaque.

 

Nous faisions des Arts Plastiques en classe le mardi matin. Le peintre qui venait, un homme efféminé d'une quarantaine d'années, répétait souvent d'une voix enrouée : "Faites exploser sur vos feuilles tous les feux d'artifice ! Des formes se dévoileront : tel jour une pierre, tel jour une plante, un animal. Telle heure un paysage ou un visage. Sachez saisir ce qui commence ou qui finit. Je n'aime pas l'ordre. je n'aime pas le désordre. J'aime le visage, le paysage."

Nous ne comprenions pas ces paroles, mais nous n'osions rien dire tant l'enthousiasme du professeur était grand, et tant nous avions peur de paraître idiots face à nos camarades."

Minuit

Echos d'une guerre lointaine à la radio;

J'entends les pas dans le couloir, les pas syncopés et légers d'une femme timide, blessée. Elle chante souvent la nuit, quelque part entre mes rêves  et les éclaboussures de lumière sur sa bouteille vide.

On voit bien que la lecture et l'écriture se rejoignent et deviennent une quête, cette même quête  et conquête du monde, à travers les rêves qu'elles suscitent,  voyages immobiles ou réels. La réalité et l'imaginaire se superposent, se croisent, dansent ce pas de deux sans fin, liés de frémissants désirs toujours renouvelés.

Chaque livre de la collection Grands Fonds accueille, en marge de tout genre littéraire codifié, des pages plus secrètes, témoins d'une vie qui s'inquiète et s'interroge.

Chaque livre de cette collection est beau. Cheyne imprimeur-éditeur est labellisé imprim'vert, les tirages sont limités et ce ne sont pas des livres à jeter, ce sont des livres à aimer, à garder ou à offrir et des livres à goûter, et à déguster.

Avec le livre, il y avait un mot de l'éditeur, (Jean-François Mannier, Cheyne éditeur), que je vais  partager avec vous, car il est précieux. Je vous confierai ce mot en photo dans mon blogue demain.


 

Voici le mot glissé dans un livre par Jean-François Manier (Cheyne éditeur) et qui m'a fait signe.

                   ELOGE DE LA LENTEUR

 

Face au risque de n'avoir plus à déguster, dans un avenir proche, qu'une littérature "fast food", il me paraît urgent de résister aux pouvoirs grandissants des gestionnaires de la culture.

Le livre est un tel enjeu qu'il exige d'autres critères de valeur que sa seule vitesse de rotation. Et je crois même que son irremplaçable richesse tient à ses lenteurs, à ses pesanteurs.Ce sont ces contraintes qui font du livre cette liberté qui dure.

Oui, il faut un autre temps pour le livre : un temps pour l'écrivain face à son oeuvre, pour l'artisan face aux papiers, aux encres, un temps aussi pour le bibliothècaire en ses choix, le libraire en son commerce, comme pour le lecteur en son plaisir.

Le temps, sans doute, que mûrissent les rencontres, que s'accomplissent les imprévisibles métamorphoses. Le temps du lent émerveillement.

Celui de l'urgence d'aimer.

Merci Monsieur Manier pour ces mots et cet éloge de la lenteur, ces mots font du bien.

 

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